Mon nom est Ali.


Lorsque la guerre a éclaté, je travaillais au port de Beyrouth. Un jour, alors que j'étais au travail, on a entendu des coups de feu et des cris. Puis, on a vu des personnes courir. On a très vite compris ce qui se passait. Il fallait se sauver, échapper à une mort certaine.


Certains des employés du port ont trouvé refuge dans les bureaux. Des collègues, dont la carte d'identité n'en faisait pas une cible, les ont aidés à se cacher.


D'autres, comme moi, ont décidé de s'enfuir par la mer, de nager au large. C'était trop tard. Ils étaient là. Je n'ai pas eu le temps de fuir.


C'était le 6 décembre 1975. Une date qui est devenue tristement célèbre et connue par le « samedi noir ».
J'avais 25 ans. Mon fils n'avait que deux mois.
Ma femme ne s'est jamais remariée. Pour cela, il aurait fallu me déclarer mort. Mes proches n'ont jamais pu s'y résoudre. Ils auraient eu le sentiment de m'abandonner.


Je suis l'une des centaines de victimes anonymes qui ont péri ce jour-là et dont les familles ne peuvent renoncer à leur droit de savoir. « Jetés dans la mer », « transportés dans une autre région de Beyrouth pour y être enterrés »... Ces rumeurs sont les seules réponses qui leur sont parvenues à ce jour.
Mon nom est Ali Moustapha, ne laissez pas mon histoire s'interrompre ici.


* « Fus'hat amal » est une plateforme numérique qui rassemble les histoires des personnes disparues au Liban. Le projet est financé par le Comité international de la Croix-Rouge, l'Union européenne, le National Endowment for Democracy et la Fondation Robert Bosch.
Des histoires d'autres personnes ayant disparu durant la guerre sont disponibles sur le site web de Fus'hat amal à l'adresse :www.fushatamal.org
Si vous êtes un proche d'une personne disparue, vous pouvez partager son histoire sur le site du projet ou contacter Act for the Disappeared aux 01/443104, 76/933306.


Source & Link: L'Orient le Jour